Fernand, Lucien Guyot est né le 9 mai 1920 à Bonneval (Eure et Loir).
En 1937, désirant devenir pilote, il s’engage pour 5 ans à l’école de Maistrance de Brest.
Après avoir fait ses classes sur le navire-école des mousses "Armorique", il rejoint le 1er octobre 1938 la base aérienne d'Istres pour apprendre à piloter. En effet, à cette époque, la formation initiale des élèves pilotes de la Marine était dispensée par l'armée de l'air. Le 23 juin 1939, Fernand obtient son brevet de pilote (N° 27200).
Poursuivant le cursus classique, il est envoyé ensuite le centre école de l’aéronautique navale (C.E.A.N.) d’Hourtin le 1er octobre 1939, et fait partie de la promotion "Maître principal Louis Gauthier".
insigne de la promotion M.P. Gauthier
Il y obtient son brevet de pilote de l’aéronautique navale N° 2697 le 30 décembre 1939, il est alors quartier maître.
Après un stage de perfectionnement sur avions modernes du 1er janvier au 31 mars 1940 à la base aéronavale de Lanvéoc, F. Guyot est à l’école de chasse de la B.A.N. de St Raphaël du 1er au 30 avril 1940, puis poursuit les cours de chasse au C.E.A.N. d’Hourtin du 1er mai au 4 juin 1940.
En pleine bataille de France, il est affecté le 5 juin à l’escadrille AB4 de Hyères, escadrille équipée de Loire Nieuport 411 et spécialisée dans le bombardement en piqué.
L’armistice ayant pris effet le 25 juin 1940, c’est une longue période "d’inactivité" que va subir Fernand Guyot : affecté à la B.A.N. d’Aspretto du 1er juillet au 26 août 1940, puis au 5ème dépôt du 27 août 1940 au 21 avril 1941, au camp de vacances de St Raphaël du 21 avril au 17 septembre 1941, et enfin reprise des vols au centre d’entrainement et de perfectionnement au pilotage (C.E.P.) de St Raphaël du 17 au 30 septembre 1941.
Ce qu’il attendait depuis 2 ans arrive enfin avec son affectation le 1er octobre 1941 à l’escadrille 1AC de l’aéronautique navale, équipée de Dewoitine 520.
Alignement de D. 520 de l'escadrille 1AC en 1941
L’escadrille 1AC, qui fait partie de la flottille de chasse 1F avec l’escadrille 2AC, est alors installée sur le terrain de Tafaraoui (qui prend le nom de Lartigue un peu plus tard) situé à une trentaine de km de la ville d’Oran en Algérie.
Le 5 janvier 1942, la flottille participe à l’escorte du bâtiment de ligne DUNKERQUE lors de sa sortie de Mers El Kébir vers Toulon.
insigne de l’escadrille 1AC de F. Guyot
Début 1942, des informations au sujet d’une éventuelle invasion du territoire marocain par les armées allemandes transitant par l’Espagne commencent à circuler. Dans cette éventualité la flottille est affectée en mai à Port-Lyautey près de la ville de Rabat au Maroc.
C’est sur ce terrain de Port-Lyautey le 8 novembre 1942 que la flottille va subir l’attaque américaine lors du débarquement en Afrique du Nord.
Ce jour-là, de nombreux navires de guerre américains ayant été signalés, l’ordre est donné à la flottille de faire décoller une patrouille. C’est Fernand Guyot et l’enseigne de vaisseau Mauban qui sont désignés pour cette mission. Ils décollent à 6h35 et découvrent rapidement au large les centaines de bateaux américains. F. Guyot prévient Port-Lyautey, décide d’attaquer et mitraille un destroyer avec toutes ses armes de bord. Soudain, la patrouille croise la route d’un hydravion de réglage de tir. Fernand manœuvre pour effectuer une passe frontale, mais il est touché et doit rompre le combat car un début d’incendie s’est déclaré dans son habitacle. Il parvient toutefois à regagner la base.
Pilotes de l'escadrille 1AC en 1942 devant un D. 520 aux couleurs de Vichy. F. Guyot est entouré d'un ovale bleu (coll. Conq)
Vers 9h00 du matin, les avions américains attaquent la base de Port-Lyautey. En entendant les premières explosions, F. Guyot se précipite vers l’avion le plus proche et tente de décoller. Au même moment une bombe tombe à proximité et retourne le Dewoitine 520, heureusement sans qu’il ne soit blessé.
Cette action lui vaudra une citation à l’ordre de la division le 10 décembre 1942 : " Jeune pilote de chasse, a attaqué au canon et à la mitrailleuse la passerelle d’un torpilleur qui protégeait le débarquement des troupes. A tenter de décoller pour une seconde mission pendant le bombardement du terrain et a eu son appareil désemparé par le souffle d’une bombe.
Cette citation comporte l'attribution de la croix de guerre avec étoile de bronze ".
Les combats cessent dès le 10 novembre au soir, et la base aéronavale de Port-Lyautey étant occupée par les Américains, la flottille 1F s’installe sur le terrain d’Agadir.
En juin 1943, elle quitte Agadir et part pour Thiersville en Algérie pour reprendre, en février 1944, possession du terrain de Lartigue libéré par l’aviation américaine.
Faute de pièces de rechange pour ses Dewoitine 520, elle va alors constituer 4 détachements de personnels qui vont être affectés à des groupes de chasse de l’Armée de l’Air, et de fait le 15 mai 1944 la flottille 1F cesse d’exister.
En ce qui concerne Fernand Guyot, il est transféré au GC 1/4 Navarre, comme cinq autres pilotes de la 1F. Il fera partie de la 1ère escadrille (SPA 95) commandée par le Lt de Pins.
Après un stage d'entrainement sur P. 39 Airacobra, avion qui équipe alors le GC 1/4, sur la base de Berteaux près de Constantine, il rejoint le 19 juin le groupe basé à La Réghaïa près d’Alger dont la principale mission est le coastal command au-dessus de la méditerranée.
Pilotes du GC 1/4 Navarre à La Reghaïa en juin 1944. F. Guyot est accroupi au centre du 1er rang (coll. A. Denis)
Les missions consistent à survoler les convois maritimes afin de les protéger des bombardiers allemands.
Fin juillet 1944, le GC 1/4 doit être transformé sur P. 47 Thunderbolt pour assurer des missions de tactical command. Il transmet ses P. 39 au GC 3/3 Ardennes et dans le même temps lui affecte les pilotes de l'aéronavale.
Mais cette mutation sera de courte durée puisque le GC 3/3 est à son tour transformé sur P. 47 fin août. Aussi, début septembre Fernand Guyot part rejoindre la 1ère escadrille (SPA 26) du GC 2/6 Travail, groupe reconstitué depuis le 1er août 1944.
le GC 2/6 en septembre 1944 devant un P. 39, F. Guyot est à l’extrême gauche (ECPAD)
Au 2/6, F. Guyot reprend les fastidieuses escortes de convois, mais aussi la formation au P. 39 des jeunes pilotes fraichement brevetés à Meknès.
Le 22 décembre 1944 est un grand jour pour le groupe puisqu’il quitte l’Algérie pour retrouver la métropole et s’installer sur la base d’Istres Le Vallon.
Dès le 11 janvier 1945, le GC 2/6 commence ses missions sur l’Italie, notamment dans la région de Cuneo puis de Turin.
F. Guyot participe ce jour-là à une reconnaissance armée, entre 14h15 et 16h25, au-dessus du col de Tende, du col de Larche, de Cuneo, Carmagnola, Mondovi, Imperia et Vintimille avec le capitaine Rivory, l’aspirant Galibert et le sergent De Bessé.
Deux camions sont mitraillés et détruits à l’est de Demonte sur la route menant au col de Larche et deux autres sont incendiés entre Fossano et Savigliano.
Au retour, les quatre P. 39 se posent à Nice, où ils passent la nuit.
Bell P. 39 Airacobra de l’escadrille SPA 26 du GC 2/6
Au cours du mois de janvier, plusieurs missions de reconnaissance armée sur l’Italie ainsi que des missions de protection de Walrus de l’aéronavale, chargés de la recherche de mines en Méditerranée, sont assurées par le GC 2/6.
Le Dimanche 4 février 1945 à 15h10, F. Guyot, accompagné par le sergent-chef Guisiou et les sergents Ronsoux et Choulet, quitte, à bord de son P. 39 codé "M", Le Vallon pour une reconnaissance armée sur Cuneo, Savigliano-Carmagnola-Canale-Alba et Ormea. Les quatre pilotes ne découvriront pas le moindre véhicule.
Après une heure de vol, le moteur de l’avion de F. Guyot donne tout d’abord quelques signes inquiétants de fonctionnement, puis prend feu subitement.
Il évacue son avion vers 16h30, mais heurte dans sa chute le plan horizontal lui causant la fracture de deux côtes et se pose dans la neige à flanc de montagne, près d’Ormea.
Des soldats allemands ayant vu son parachutage se lancent à sa recherche, mais grâce à l’intervention de partisans italiens, il parvient à leur échapper.
S’en suivent de longues journées de marche dans la montagne pour éviter les allemands, des nuits caché dans des granges ou des grottes pour enfin, après une première tentative infructueuse pour regagner la France, réussir, près de Vintimille, à monter à bord d'une barque de pêche et à rejoindre la côte à Monaco.
F. Guyot sera de retour à son unité le 16 mars 1945.
attestation d'évasion signée du capitaine Rivory, commandant de l'escadrille SPA 26
En récompense de son comportement au combat, il reçoit le 23 mars une nouvelle citation : " Engagé sur le front italien, a fait preuve des plus belles qualités militaires au cours de nombreuses missions de straffing et de bombardement en piqué dans des zones très défendues par la DCA. Totalise au 1er janvier 1945 et depuis sa dernière citation 41 heures de vol de guerre en 26 missions au-dessus des territoires ennemis.
Cette citation comporte l'attribution de la croix de guerre avec étoile de bronze ".
Par ailleurs, son évasion réussie lui vaut le 2 mai 1945 un témoignage de satisfaction de la part de l'état-major de la Marine : " Officier-marinier pilote d’élite, ayant une connaissance parfaite de son métier. A été contraint de er janvier sauter en parachute à l’intérieur des lignes ennemies au cours d’une mission ; a réussi à rentrer en France dans des conditions périlleuses et malgré un mauvais état physique qui rendit son évasion extrêmement pénible.
A fait preuve dans ces circonstances de qualités d’endurance et de courage exceptionnelles ".
La guerre terminée, il est reversé dans l’aéronautique navale, en étant transféré le 1er juin 1945 au dépôt des Equipages de Cuers.
F. Guyot vole alors sur Morane 502, la version remotorisée du fameux Fieseler Storch allemand en attendant sa nouvelle affectation.
Le 10 septembre 1945, le Général De Gaulle signe un décret lui octroyant la médaille militaire avec le commentaire suivant : " Pilote de très grande classe qui a toujours fait preuve des plus belles qualités de bravoure. Le 4 février 1945 contraint de se jeter en parachute en territoire ennemi, blessé, a réussi malgré ses souffrances et la neige à rejoindre les partisans dans la haute montagne. A peine remis de ses blessures et épuisé par les privations endurées a rejoint, à force de courage et de volonté, son groupe de combat après deux tentatives effectuées dans des circonstances particulièrement périlleuses.
Ces concessions comportent l’attribution de la croix de guerre avec palme ".
Le 1er novembre 1945, il est à nouveau affecté à la flottille 1F qui a été reconstituée à Hyères le 1er octobre.
En attendant les Seafire Mk. III, version marine du Spitfire, promis par les anglais, les pilotes s'entraînent sur des SBD Dauntless qui ont été détachés du GAN 2.
Ce n'est que le 22 mars 1946 que les premiers Seafire sont livrés, les pilotes allant les chercher aux Mureaux pour les convoyer jusque Hyères.
Après un entrainement intensif d'appontages simulés sur piste, les premiers appontages sur le porte-avions Colossus (qui sera baptisé Arromanches le 15 mai 1947) se déroulent à partir du mois de novembre 1946. On peut penser que F. Guyot en a réalisé un certain nombre puisqu’il y est affecté depuis le 1er octobre 1946.
Après une formation à l'école des officiers d'appontage à Easthaven, il obtient le 31 janvier 1948 le certificat d’officier d’appontage, poste à hautes responsabilités sur un porte-avions.
Seafire venant d'apponter sur le porte-avions Arromanches en 1948
Il volera très régulièrement à partir de l’Arromanches, et sera à son bord comme officier d'appontage lorsque le porte-avions partira en Indochine le 30 octobre 1948.
Pour cette première campagne, l'Arromanches a embarqué les dix SBD Dauntless de la flottille 4F et deux Seafire affectés en propre au P.A. et Fernand Guyot réalisera plusieurs missions de guerre sur ces avions.
Le 25 décembre 1948, il est promu au grade d’officier de 2ème classe des équipages de la flotte.
Sa bravoure au combat lui vaudra l’attribution de la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures avec une citation à l’ordre de la division : " Officier pilote de chasse hors de pair. A montré les plus belles qualités de courage, de sang-froid et d’adresse au cours de plusieurs missions de guerre sur Seafire en Indochine. S’est particulièrement distingué lors de la destruction de l’important dépôt de munitions de Thu Do Mot le 5 décembre 1948.
Cette citation comporte l'attribution de la croix de guerre des TOE avec étoile d'argent ".
De retour en France, ses qualités de pilote et son expérience le désignent en mai 1949 pour être moniteur des futurs pilotes de chasse à la "54S - école d’aviation embarquée" de Hyères.
Seafire de l’escadrille 54S
Il y formera de nombreux pilotes, jusqu’au 21 mars 1950, jour où il effectue avec son élève, l’enseigne de vaisseau André Sagon, différents exercices aériens. Lors d’une manœuvre de ralliement, l’avion de Sagon passa sous celui de Guyot et heurta son hélice. Désemparé le Seafire Mk. III (RX-213 code 54.S-2) de F. Guyot, hélice brisée, s’écrasa au sol.
Fernand Guyot n’avait pas encore 30 ans.
Il sera nommé au grade de chevalier de la légion d’honneur à titre posthume avec une citation à l’ordre de la marine nationale : " Jeune officier des équipages hors de pair et pilote de chasse exceptionnel. Enthousiaste et modeste, doué de hautes qualités morales et intellectuelles, s’était distingué au cours de la dernière guerre par un allant et un courage à toute épreuve dans les formations aériennes de la marine et de l’armée de l’air en Méditerranée et en Italie. Trois fois cité dont une fois à l’ordre de l’armée. Cité en outre pour fait de guerre en Extrême-Orient. Devenu pilote de porte-avions, officier d’appontage et brillant moniteur à l’école de l’aviation embarquée, donnait l’exemple d’un jeune officier des plus complet de l’aéronautique navale. Totalisait 1500 heures de vol, 42 missions de guerre et 45 appontages. Tombé en service aérien commandé au cours d’un exercice d’entrainement à la chasse le 21 mars 1950 ".
F. Guyot est enterré dans le cimetière d’Illiers (Eure et Loir). Il était chevalier de la légion d’honneur, titulaire de la médaille militaire, de la croix de guerre 39-40, de la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures, de la médaille des blessés, de la médaille des évadés et de la médaille commémorative 39-45.